Le Frans Hals

Nous sommes le mercredi 20 novembre 1996, en début d'après-midi, la mer est déchaînée, le ciel est noir. Deux bateaux se profilent sur l'horizon. Les Biarrots ne tardent pas à repérer leur comportement anormal.

Les observateurs équipés de jumelles déterminent bientôt qu'il s'agit d'un navire accompagné d'un remorqueur, exécutant des manoeuvres laissant présumer que le bateau est en difficulté. La confirmation est donnée par les fusées de détresse qui déclenchent une avalanche de coups de fil sur le standard des pompiers du District BAB.

Tout à coup, le remorqueur disparaît derrière l'horizon, alors que le navire s'approche dangereusement de la côte! Il parait tout d'abord être entraîné vers le Rocher de la Vierge, mais ils se dirigent ensuite en direction de la Roche Plate.

A terre, les observateurs sont en émoi, certains prétendront même l'avoir vu passer au dessus de la Roche Plate...

Il est 15 heures, la nouvelle s'est répandue dans la ville, et le nombre de curieux ne cesse de s'accroître sur le quai de la Grande Plage.

Le Frans Hals vient s'échouer sur le petit banc rocheux situé à l'extrémité Sud de la plage Miramar. Les quatre marins lancent à la mer un canot de survie et descendent par une échelle de corde. Ils sont immédiatement assistés par les pompiers et peuvent enfin poser le pied à terre: ils sont sauvés!

 

Nous apprenons par la suite, que ce bateau usine, destiné à la ferraille, n'avait pas pu accoster à Bilbao pour des raisons administratives. Pris dans une forte tempête dans la nuit du 19 au 20, les câbles de remorquage cédèrent, et il resta ainsi en perdition toute la nuit. Le remorqueur a, en fait, consciemment abandonné le bateau avec ses hommes d'équipage, pour rejoindre lâchement les eaux internationales et se mettre ainsi à l'abri de toute interception! Le capitaine Valentin Wladimirovitch Terentiev, le chef mécanicien Sergueï Nicolaiévich Kalapichine et les deux matelots Sacha et Vassili ont ainsi été abandonnés au grès des flots en furie par le capitaine du remorqueur Agathe!

 

Bateau usine construit en 1965 en hollande, le Frans Hals a navigué une trentaine d'années en mer de Barents et dans l'océan glacial arctique. Basé à Mourmansk il est venu finir ses jours (comme le souligne Serge Pakhomoff) en face de l'église russe à Biarritz, peut être en souvenir de la noblesse russe qui venait si nombreuse en ces lieux au siècle dernier.

 

La société Abeille international, spécialisée dans le remorquage des bateaux, a été chargée dès le lendemain du naufrage, de renflouer le navire, suite à une réunion interministérielle à Paris. Le vice-amiral Le Dantec, préfet maritime de Brest, qui a autorité sur tout le littoral Atlantique était responsable des opérations.

Après de multiples études, réunions en mairie et à la sous-préfecture, le commandant Yvon Mounès, lance l'opération de renflouage.

Il s'agit en premier lieu, de vider les 70 000 litres de carburant pour éviter la pollution. Ensuite des plaques sont soudées pour colmater les brèches de la coque. Enfin la superstructure est allégée au maximum pour faciliter le remorquage. Des mesures de radioactivité  (résultats négatifs) sont effectuées pour taire la rumeur qui circule déjà dans la ville...

L'opération finale est programmée pour les 12 et 13 décembre afin de profiter des coefficients de marée favorable.

L'opération n'est pas sans risque, et tous les riverains sont évacués afin de protéger les personnes en cas de rupture des chaînes de remorquage.

Un peu avant six heures, le "vendredi 13" décembre, la phase finale est entreprise: des bulldozers creusent le sable accumulé depuis 24 jours, pour faciliter l'opération. Trois remorqueurs sont en action: l'Abeille "Flandre", l'Abeille "Supporter" et l'Abeille "Picardie". Le Frans Hals pivote, puis glisse sur une mer d'huile. Le voici en route pour son dernier voyage qui se terminera vers midi dans les profondeurs abyssales de la fosse de Capbreton.

Il faut cependant préciser que la fosse de "Capbreton" se trouve en fait aussi bien au large de Biarritz que de Saint Sébastien, compte tenue que nous sommes situés dans un golfe.

Voici, ci dessous, la dernière photo du Frans Hals prise par mes soins au travers de l'optique d'un tachéomètre, à partir d'une fenêtre de la mairie de Biarritz, quelques minutes avant "l'océanisation" de ce navire que nous avions tous adopter comme "citoyen d'honneur" de Biarritz.